Le sexe du cerveau
Est-ce que le développement et le fonctionnement du cerveau de l’homme se font de la même manière chez la femme ? D’une part, la génétique joue un rôle important dans le neurodéveloppement. La construction serait différente à cause des chromosomes et des hormones sexuelles. D’autre part, l’environnement socio-culturel et les expériences vécues jouent sur la plasticité cérébrale. Entre nature et culture, où est la vérité ?
«Le chromosome Y humain ne représente qu’un tiers de la taille du
chromosome X. Il ne code que pour 27 protéines alors que le chromosome X, lui, détermine la séquence d’environ 1 500 protéines» (Science et cerveau, # 23, sept. -oct. -nov. 2024).
«Les chromosomes X et Y, par des effets subtils de dosages et de mosaïcisme de gènes, pourraient directement influencer le développement du cerveau et pourquoi pas de cette manière favoriser l’émergence de comportements ou capacités ayant été sélectionnés au cours des générations parce que plus propice pour l’un ou l’autre sexe» (Ibid.).
Quant aux hormones sexuelles, elles semblent jouer un vaste rôle régulateur dans de nombreuses fonctions cérébrales. Voilà pour les tenants du déterminisme biologique.
Par ailleurs, Catherine Vidal, neurobiologiste, affirme que la génétique ne fait pas tout. À la naissance, le cerveau du nouveau-né compte cent milliards de neurones, mais le neurodéveloppement n’est pas terminé. «Les connexions entre les neurones, les synapses, commencent juste à se former. Ces milliards de synapses se tissent dans les interactions avec le monde extérieur. Dans un cerveau adulte, chaque neurone est connecté à 10 000 autres, soit à un million de synapses…: le devenir de notre cerveau n’est pas inscrit dans le programme génétique» (Ibid.). Des jumeaux homozygotes n’auront pas le même cerveau à l’âge adulte. Les pianistes vont avoir une hypertrophie dans les zones de la motricité des doigts et de l’audition, les chauffeurs de taxis, celle de l’aire de la visualisation spatiale, les jongleurs, celles de la vision et de la coordination, les mathématiciens, celle du calcul et représentation géométrique.
«Les interactions avec l’environnement social et culturel l’emportent sur l’influence de la biologie et le concept de plasticité cérébrale permet de dépasser le dilemme entre nature et culture : fait inné et acquis sont inséparables» (Ibid.).
En neuro-imagerie (IRM), des différences ont été notées entre le cerveau des hommes et des femmes, particulièrement au niveau de l’hippocampe et de l’amygdale. Par des IRM fonctionnelles (IRMf), des chercheurs ont identifié le sexe d’une personne avec une fiabilité de 90 % par des différences dans le réseau du mode par défaut, le striatum, le réseau limbique et le cortex orbitofrontal.
«Abstraction faite des comportement de reproduction et de la sexualité, notre cerveau est à la fois masculin et féminin, selon Marie-José Freund-Mercier, neurophysiologiste» (Ibid.) La vision binaire du cerveau homme/femme est complètement dépassée. «Nous sommes avant tout des individus uniques présentant des caractéristiques tantôt féminines, tantôt masculines, tantôt intermédiaires» (M.-J. Freund-Mercier, Ibid.). C’est le concept de cerveau mosaïque.
«À ce stade, nous ne comprenons pas les contributions différentes des facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux» (Ibid.).
Billet # 324